dimanche 16 septembre 2007

Faut-il mettre en place la taxe carbone?


La taxe carbone est une proposition environnementale remarquable puisqu'elle s'attaque à aux menaces pour notre avenir que constitue l'effet de serre et la fin du pétrole.
Elle consiste à sanctionner, de manière progressive les comportements générateurs de CO2.
Pourtant, il est probable qu'elle ne soit jamais appliquée, et cela pour trois raisons. La première tient à l'impopularité d'une nouvelle taxe. Quel gouvernement prendra ce risque politique?
La seconde tient à la difficulté de fixer une assiette à ce type de taxe. Le taux de CO2 est un indicateur chimique difficilement conciliable avec les contingences fiscales ou administratives. Il sera donc difficile de créer des taxes proportionnelles à la consommation de carbone.
Mais la dernière raison est sans doute la plus embarrassante : la taxe carbone est progressive pour pousser les consommateurs à changer leurs habitudes de vie. Mais cette taxe sanctionne de mauvaises habitudes sans donner aux personnes les moyens de changer. A quoi cela sert-il de sanctionner celui qui utilise son véhicule automobile si le réseau de transports en commun n'est pas à la hauteur ? A quoi bon sanctionner la surconsommation énergétique de logements mal isolés dont les propriétaires n'ont pas les moyens de financer l'isolation thermique? Pourquoi pénaliser le transporteur routier si il n'existe pas de système de ferroutage assez conséquents pour encourager les chefs d'entreprises à l'utiliser?

Mettre en place la taxe Carbone est possible, mais à la condition de revoir les modalités de sa mise en place, de concrétiser d'une manière différente son application. La méthode des contributions incitatives le permet et évite les trois écueils signalés ci-dessus.
Rappelons les principes de cette méthode : utiliser l'argent prélevé auprés des acteurs polluants pour récompenser ceux qui font des efforts écologiques. Détaillons trois exemples pour en comprendre le mécanisme :
Le transfert d'une partie des flux de marchandises vers le ferroutage. Une contribution incitative, prélevée aux péages autoroutiers sur les camions est mise en place. Elle sert à financer le développement du réseau de ferroutage (et éventuellement de transports maritimes européen). Elle permet de réduire les coûts du ferroutage et d'accroître les investissements pour développer le réseau de ferroutage.

La réduction de la consommation énergétique des logements : En s'appuyant sur le nouveau diagnostic de performance énergétique, une contribution incitative est demandée aux propriétaires de logements mal isolés, elle sert à financer l'isolation que d'autres propriétaires ont la volonté d'améliorer.

Le développement des réseaux de transports en commun : Une contribution additionnelle à la TIPP permet de réduire le prix des tickets de transports en commun et de financer le développement des réseaux.
Ces trois exemples montrent comment on facilite la mise en place d'une assiette en sériant les problèmes, comment on limite l'impopularité d'une taxe en la rendant, en partie du moins, aux utilisateurs auquels on a demandé de contribuer. Cette méthode offre aussi des réponses à la fois écologiques et dynamisantes sur le plan économique en relançant l'investissement.

mercredi 22 août 2007

Sur la fiscalité environnementale


Les mesures fiscales liées à l’environnement existent depuis 1964 (loi sur l’eau) et concernent actuellement une quarantaine de taxes et autant de mesures d’exonérations. Cette prolifération suffit à prouver l’intérêt de la démarche. Elle a pourtant bien des limites, signalons-en quelques unes :
-les deux objectifs de la fiscalité écologique (écologique et financement de l’Etat) ne sont-ils pas contradictoires ? En particulier, si l’objectif écologique vise à réduire l’assiette de la taxe, l’objectif de financement tend, au minimum, à la maintenir.
-l’acceptabilité d’une taxe écologique entre en contradiction avec le fait que le changement de comportement espéré a un coût souvent élevé. Ce coût s’additionne alors à celui de la taxe. Il y a donc une deuxième contradiction entre la mission redistributive dévolue à la fiscalité et sa fonction écologique : le risque de renforcement des inégalités sociales s’accroît.
-la troisième contradiction concerne les problèmes de compétitivité internationale. Ces taxes risquent d’entraîner des pertes de compétitivité. L’impopularité de la fiscalité écologique ne concerne pas uniquement l’électeur, elle a un impact sur les chefs d’entreprises.
Ces trois contradictions contrarient la mise en œuvre de la fiscalité environnementale. Les mesures prises pour gérer ses contradictions entraînent une complexification qui nuit fortement à son efficacité. La méthode des contributions incitatives permet de conserver les avantages de la fiscalité écologique tout en dépassant ces contradictions.

Définition des contributions incitatives


Nous l'appelons contribution incitative. Nous la décrivons en détail plus bas à partir d'un exemple. Tentons de la définir : il s'agit de récompenser ceux qui font l'effort d'avoir un comportement responsable par une incitation financière, financée par les contributions de ceux qui ne font pas d'efforts.
Il s'agit de contributions et non de taxes, toujours impopulaires et souvent inefficaces, c'est à dire que l'argent récolté sera utilisé (presque) exclusivement et directement au profit des personnes, des collectivités et des entreprises qui feront des efforts environnementaux.
Il ne s'agit pas non plus d'incitations fiscales, qui au-delà de leurs mérites, contribuent à la dégradation des comptes publiques. Il s'agit de redistributions, prenant de multiples formes comme on le verra plus loin, qui s'adressent à tous, sont progressives et qui permettent à chacun, en toute liberté de prendre des décisions en connaissance de cause.
« Je suis un particulier, je choisis de continuer à employer un mode de transport ou de consommation énergétique polluant, mais je sais qu'il faudra en assumer le prix de plus en plus élevé, j'ai eu connaissance des augmentations prévues, qui bénéficieront à ceux qui feront des efforts» ou « je choisis de changer mes habitudes et je sais que je vais récolter financièrement les fruits de mes efforts écologiques ». « Je suis une entreprise, j'ai choisi d'investir et de proposer des services ou des produits durables, je prend le risque de le faire parce que la nation s'est engagée à favoriser leur usage et à aider les entreprises qui iraient dans ce sens. »
Dans cette méthode, il y aura de multiples contributions incitatives précises, délimitées dans des domaines très diverses, et toutes seront progressives. Concrètement, comment cela fonctionne-t-il?

Description de la méthode des contributions incitatives


Le parlement vote une loi fixant le principe d'une contribution incitative dans un domaine précis. A la suite de cela, un comité de pilotage se met en place. Il regroupe consommateurs (ceux qui vont financer la contribution ou/et en bénéficier), entreprises du secteur, pouvoirs publics, scientifiques et responsables politiques. Il organise, dans la concertation, l'organisation de cette contribution.
Il est créé une fondation, structure d'économie mixte, chargée de gérer les fonds récoltés et redistribués. Une administration, un ministère, ou une collectivité territoriale, est désigné pour prévoir l'assiette de la contribution, la récolter, organiser la redistribution.
Une fois la contribution mise en place, l'argent récoltée est redistribuée l'année suivante de différentes manières:
-la majorité de ces produits financiers est redistribuée aux personnes qui ont eu un comportement responsable comportement défini de manière précis (de l'ordre de 60% des fonds) dans la population où a été prélevée la contribution.
-une part importante de cet argent sera attribuée aux entreprises qui, dans ce secteur, proposeront des services écologiquement responsables ou réaliseront des investissements (de l'ordre de 30% des fonds).
-une part mineure sera attribuée à l'administration en charge de la récolte et de la distribution (de l'ordre de 5%)
-une part mineure sera attribuée à la recherche dans le domaine considérée (de l'ordre de 5%).
Pour que cela fonctionne, il faut que la contribution reste faible au début, pour augmenter assez rapidement de manière à constituer à terme un handicap pour ceux qui n'auront pas fait les efforts nécessaires.
Prenons un exemple: la mise en place du ferroutage en France. Celle-ci se heurte à l'importance des investissements matériels à réaliser et à la difficulté à imposer un système contraignant à des entreprises de transports. Celles-ci privilégient la souplesse et la réactivité dans un contexte européen où la France reste une plaque tournante du transport terrestre de marchandises.
La contribution incitative pour le ferroutage repose sur le système suivant : elle est perçue aux péages autoroutiers, elle sera très faible au début (quelques centimes par kilomètres pour augmenter progressivement).La majorité de cette argent servira à diminuer les coûts des entreprises de transports qui accepteront de jouer le jeu du ferroutage. Une part importante ira aider aux financements des équipements nécessaires auprès des entreprises concernés (réseau ferré, SNCF et autres entreprises se lançant dans le ferroutage). Le ministère des transports sera le support administratif de la perception et de la redistribution de cette taxe.

Différents exemples de contributions incitatives


Le développement d'un réseau TGV européen et la limitation du développement du transport aérien en Europe: Une contribution incitative, auprès des usagers de la voie aérienne est mise en place. Elle sert à financer le développement du réseau TGV. Elle est perçue sur les billets d'avion et redistribuée auprès des usagers du TGV et des entreprises participant au développement du réseau ferré à grande vitesse.
Le développement du parc automobile de voitures dites propres (sous réserve d'une définition de voiture propre, notion controversée): Une contribution incitative est demandée aux acheteurs de voitures neuves traditionnelles, en fonction du nombre de CV, elle sert à la fois à baisser le prix d'achat des voitures propres et à aider les constructeurs automobiles et les fournisseurs d'énergie a développer leurs activités dans cette voie.
La réduction de la consommation énergétique des logements : En s'appuyant sur le nouveau diagnostic de performance énergétique, une contribution incitative est demandée aux propriétaires de logements mal isolés, elle sert à financer l'isolation que d'autres propriétaires ont la volonté d'améliorer.
Les efforts des communes pour développer les modes de transports alternatifs à la voiture : En fonction des efforts réalisés par les communes pour développer les transports en commun, les pistes cyclables, le covoiturage, selon un plan adapté aux spécificités de chaque commune, la dotation globale de fonctionnement de chaque commune est modulée.
Les efforts des particuliers et des copropriétés dans le domaine du tri sélectif : La taxe sur les ordures ménagères est modulée en fonction des efforts réalisés dans le tri sélectif.
Le développement des réseaux de transports en commun : Une contribution additionnelle à la TIPP permet de réduire le prix des tickets de transports en commun et de financer le développement des réseaux.
La production d'énergie renouvelable d'origine électrique : la production d'électricité solaire, éolienne, hydraulique est aidée financièrement par une contribution demandée aux producteurs d'électricité à partir d'énergie fossile.
Le développement de l'aquaculture et la maîtrise des ressources halieutiques : une contribution sur la consommation de poissons pêchés permet le recyclage d'une partie des entreprises de pêche vers l'élevage en pleine mer et la constitution de réserve marine.
Inventer le vôtre !!

Conclusion, quelle est l'originalité de la méthode des contributions incitatives ?


Elle évite les interférences avec le budget de l'Etat car elle est indépendante de sa gestion. Elle redonne donc des marges de manoeuvre au personnel politique qui peut se consacrer pleinement à son véritable rôle : le pilotage de l'action politique au sens noble du terme.
Elle laisse à chaque acteur : autorité publique, entreprises ou particuliers la possibilité de faire des choix rationnels en tenant compte de l'évolution progressive et connue à l'avance du coût de la conservation de son attitude non adaptée à l'évolution de l'environnement.
Cette démarche présente aussi l'avantage paradoxal de favoriser une meilleure gestion de l'argent public, en relançant l'économie par les avantages données aux entreprises qui feront des efforts, par les transferts des contributions vers la recherche, enfin, par le financement des administrations qui joueront un rôle dans la gestion des contributions incitatives.
Enfin, en redistribuant directement le fruit des contributions de chacun, elle atténue fortement les contradictions signalées au début de ce texte : l’impopularité de la taxe décroît auprès des chefs d’entreprises et des citoyens, puisque l’argent récolté leur revient. De plus, le couplage taxation-incitation pour chaque contribution peut entraîner des mécanismes de compensation visant à atténuer les inégalités sociales.

Contre la taxation écologique


La taxation écologique est-elle une bonne idée ? Il suffit de voir les réactions sur le site du Figaro au mois de février 2007 pour s’en convaincre : l’idée est très, très impopulaire.
Il faut donc être naïf pour croire que dans l’ambiance politique actuelle, qui vire trop souvent à mon goût à la démagogie, pour espèrer la mise en place de taxes réelement forte.
D’où l’intérêt renforcé de la taxation incitative. Mais ne l’appelons plus ainsi !
Car, une taxe est perçue par l’Etat. Or, le système des fondations est conçu juestement pour éviter ce travers. Préférons plutôt le terme de contributions plus approprié.